Propos sur l’onto-niveau

le néant, le rien, le potentiel, le virtuel ?
jeudi 10 avril 2008
par  Matthieu GUILLERMIN

Voilà un premier jet de mes réflexions concécutives à la dernière réunion du Groupe Béna.

A la base de notre cadre général de compréhension du sens et de l’univers, nous supposons une sorte de "toile" biface à la Teilhard de Chardin (c’est à dire une face matière et l’autre esprit) polarisée du point de vue de l’accord.

Ce "niveau" est plus fondamentale que la manifestation. La distinction entre "rien" et "tout" (ou "vide" et
"plein") n’a aucune pertinence.

A ce niveau, le substrat de base est totalement libre, aucune contrainte n’est présente. La seule structure que l’on suppose est la polarisation fondamentale entre accord et désaccord. C’est cette "substance" primordiale qui a la propriété de pouvoir exprimer en son sein des déterminations que l’on pourra constater dans notre expérience du monde. Nous pouvons alors particulariser, analyser ou tester ce qui nous entoure.

Avant de réfléchir à ces déterminations avec leur processus et leurs conséquences, je tiens à être bien clair sur un point concernant cette base quasi indéterminée du monde : IL NE FAUT PAS LA CONFONDRE AVEC LE NEANT OU LE RIEN, car on a vu que ces notions ne sont pas clairement définissables à ce niveau, sans ajout de déterminations supplémentaires.

On ne peut pas non plus l’identifier à quelque chose d’immatériel (au moins dans son sens classique et traditionnel, d’opposé à ce que l’on peut toucher) car nous avons construit notre niveau primordial comme une toile biface (matière/esprit).

La notion de "potentiel" est aussi ambigu et demande un complément de réflexion pour savoir quel serait le statut de cette notion. Doit-on la rajouter comme une propriété de base de ce niveau ou peut-on la définir avec les seules éléments dont nous avons parlé ci-dessus ? La notion de potentiel/actuel en physique me semble inadaptée ici. Je pense que la même interrogation reste pertinente quand à l’utilisation du terme "virtuel" qui lui aussi est loin d’être dénué d’ambiguïtés.

Quoi qu’il en soit, on peut constater que l’on a pas énormément de chose à dire concernant cet "onto-niveau", ce qui n’est pas surprenant au vue de son universalité. A défaut de pouvoir en dire beaucoup, je crois que l’on peut le vivre, ou vivre en s’en tenant proche. Il y a quelque chose de cet ordre dans l’attitude contemplative ou méditative (en tout cas c’est mon sentiment).


Commentaires  Forum fermé

Logo de Bertrand LALLOUR
mercredi 30 avril 2008 à 15h09 - par  Bertrand LALLOUR

Ce texte de Matthieu Guillermin m’a interpellé, car l’Ontologie (niveau du fond des choses) est mon domaine de prédilection !

Je noterais ci-dessous à mon tour, succinctement, sous forme de notes, quelques réflexions sur : l’Esprit, la Matière, le Réel, le Fond des Choses, le Libre Arbitre et le Sens.

Je partirais volontiers de B. d’Espagnat qui a écris que « la Philosophie avait pour objet de surplomber notre Savoir et de méditer sur son Sens »…

C’est un peu, sur une approche plutôt scientifique, le même objet pour Béna (en tant que « Bases d’Epistémologie Naturelle », comme le rappelle René Robin), car l’Accord ou le Désaccord, mis en avant par X.S., est la manifestation première de la Liberté d’Esprit, accordé à l’Homme par le Créateur Divin.

Esprit et Matière, deux interfaces d’un même tissu vivant, comme le dit avec tant de justesse Teilhard de Chardin. Mais notre esprit est- il pour autant, une corpuscule spirituelle de nature atomique, ou une parcelle de Divinité en tant qu’émanation de l’Esprit-Saint (image de Dieu) ?

Tout change, si l’on considère la dite particule, comme un « quantum de champs (paquet de « points-événement de nature spirituelle », non point véritablement « matérielles », mais sous forme de son équivalent « énergétique » et qualitatif, (d’où « la puissance spirituelle de la matière », et le « grain de conscience », de Teilhard) !

L’onto-niveau traque « l’en-soi », (c’est à dire l’essence qui caractérise le fond des choses), alors que la pratique empirique observe le « pour-soi » objectif (au niveau de l’apparence phénoménale).

Il y correspond deux approches de la Réalité : « le Réel classique » (matériel, concret, phénoménal, visible…), et le « Réel quantique » (abstrait, virtuel, potentiel, invisible et même incertain…) ; celui que d’Espagnat nomme avec raison « le Surréel ».

Le « fond des choses », auquel nous avons consacré une chronique dans « Bonheurs d’esprit », (ou plutôt cet « arrière-fond »), est toujours en suspension dans l’Univers, dont il constitue le « Grund » (fondement). Il est le substrat de notre intelligibilité des choses.

L’esprit, cette Energie noétique « mobile comme le mercure et diffuse seulement dans le processus de l’effectuation », convient à notre double nature, immanente et transcendante.
L’onto-niveau, qui recherche les linéaments de l’essentiel, repose, selon la formule de Wittgenstein dans « ce qui reste à dire »…

L’esprit de l’homme, sorte de cuticule de l’Etre, apparaît comme véritable plasma spirituel de l’Univers.
La difficulté à le définir provient de ce que l’esprit ne se conçoit pas vraiment, car « il se reçoit » ! Comme le dit avec justesse Matthieu, « l’onto-niveau, il faut surtout chercher à le vivre »…

« Créature voulue par Dieu, libre et responsable, l’Homme participe directement au devenir de la Création, par cette empreinte divine en agissant en tant que Personne sur le Monde et en fixant le Sens » (J.S. Abbattucci).

A propos du Sens, J.Fr Lambert nous rappelle qu’il faut « de l’indicible et de l’inexprimable, pour qu’il y ait du Sens »…
Le Sens, « serti dans les mots », y apparaît comme filtre du meilleur de nous-mêmes !

jeudi 1er mai 2008 à 18h43

1) L’idée de la toile biface est intéressante, et elle pourrait constiuer le substrat sur lequel le premier accord peut effectivement se réaliser.
Une de ses qualités est aussi de dire que le premier accord a une face spirituelle et une face matérielle.

Mais l’existence de la toile biface ne fait que repousser le problème de la Création, comme le faisait aussi le "premier moteur immobile" d’Aristote ou le "vide quantique" des physiciens. Ce problème ne ressort évidemment pas du domaine scientifique ; il est à la marge du domaine philosophique, et il n’est totalement pris en charge que dans le domaine théologique, où j’essaie de "faire le point" en lisant ce que je peux trouver dans une bibliothèque lointaine, où une autorisation de lecture doit être demandée chaque fois... Ce problème deviendra-t-il une "branche" à développer en prolongement des intuitions de Xavier ?

2) La notion d’ "onto-niveau" me semble peu claire, parce que le problème de l’être - qui est au centre de l’ontologie - n’est pas une affaire de niveau. Les niveaux ne peuvent être caractérisés que si l’ "être" a antérieurement été caractérisé. A ce sujet, plusieurs philosophes du XXe siècle ont pensé qu’il fallait "déconstruire" l’ontologie avant de philosopher. Ricoeur n’ a apporté qu’une réponse partielle. Quant à nous, groupe Béna, pensez-vous que nous pouvons contruire sans avoir déconstruit ?

3) D’accord avec Mathieu pour penser que le mot "potentiel" est très ambivalent. La solution serait de préciser chaque fois qu’on l’utilise en tant que substantif le sens qu’on lui donne. Quand il est employé comme adjectif, risque-t-il d’avoir plusieurs sens ?

jeudi 1er mai 2008 à 18h55

La question posée explicitement dans le message de Bertrand est : "notre esprit est-il un corpuscule spirituel ou une parcelle de divinité ?"

Ma réponse est pour chacun des deux termes de l’alternative :
1) Je ne vois pas suffisamment bien ce que peut-être un corpuscule spirituel pour savoir si notre esprit en est un.

2) oui, notre esprit est une parcelle de divinité, et les théologiens disent même que chacun de nous - qui sommes corps et esprit indissociables tant que nous sommes vivants - est "enfant de Dieu".

Logo de Matthieu GUILLERMIN
jeudi 1er mai 2008 à 20h59 - par  Matthieu GUILLERMIN

Par rapport à ta première remarque, je suis d’accord avec toi sur le fait que l’on ne fait que repousser les limites de notre explication. Néanmoins, la limite de l’explication n’est plus ici équivalente à une limite dans le passé, à un problème d’origine puisque les notions spatiotemporelles ne sont pas valides. C’est donc "partout et tout le temps" et donc en particulier dans le présent de chacun. Cela me parait beaucoup plus fécond pour la personne car je crois que la vie et le constat prennent le relais de notre explication à travers la "sensation" du présent, du "dasein" (contrairement à l’origine prétendue du big bang, avec laquelle j’avoue que j’ai plus de mal à me mettre en communion).

Je suis aussi un peu gêné par le terme de niveau mais je crois que l’on est ici surtout confronté à un problème de manque de vocabulaire que se maintient d’ailleurs aussi aux autres articulations de la TNN.

Brèves

11 février 2016 - Oui, l’espace-temps vibre gravement !

Albert, pardon, Monsieur Einstein, il y a 100 ans, l’avait prédit dans sa théorie de la relativité (...)