Homo sapiens : une nouvelle histoire de l’homme (Anne DAMBRICOURT)

ARTE 29/10/05 Documentaire de Thomas Johnson
mardi 1er novembre 2005
par  Xavier SALLANTIN

Je connais personnellement Anne M. Dambricourt qui m’est apparentée. Elle était thésarde ne paléontologie quand H de Lumley son patron de thèse a demandé à La Fondation Teilhard de Chardin dont il est le président de
l’embaucher comme secrétaire pour qu’elle paye ses études.

Je connais bien sa thèse qu’elle a présentée pour la première fois aux Séminaires Béna en 94 et qu’elle a réussi à diffuser dans un article de La Recherche qui a
soulevé une tempête de protestation chez les paléontologues (c’était en 99 je pense). Je verrai avec intérêt ce soir où elle en est car j’étais d’accord avec les critiques lui reprochant de voir dans le développement du crâne des hominidés l’action d’un régulateur caché transcendant en vue de permettre l’émergence du sapiens. C’était aller un peu vite.

Première réaction sommaire à l’émission d’Arte hier soir

Pour la TGS, Anne Malassé Dambricourt fait une erreur en faisant de l’homme un robot génétiquement programmé pour être ce qu’il a été, ce qu’il est et ce qu’il sera au cours du processus d’hominisation qui dure depuis 60 millions d’années. Cette programmation innée serait celle d’un projet divin (intelligent design) qui ne saurait être le dessein d’amour que lui prête la foi car il a pour finalité la fabrication d’esclaves condamnés à réaliser ce projet et non à y adhérer librement en pleine connaissance de cause. C’est au contraire cette liberté, reflet de la gratuité divine, qui est programmée qui se traduit chez le sapiens par le libre arbitre et dans l’évolution naturelle par la contingence des options en présence d’alternatives équiprobables. L’opérateur de cette contingence est appelée Hasard et il n’est nullement récusé par la TGS. Mais pour le darwinisme, il n’est besoin de rien d’autre que ce Hasard pour expliquer une évolution dénuée de finalité et qui se passe d’un projet. Ce jeu du Hasard est régulé par la sélection naturelle fonction de l’adaptation au milieu qui lui même évolue au Hasard..
Mais il est bien connu que le darwinisme est ici prisonnier d’une tautologie car :”qu’est-ce qui est le mieux adapté, c’est ce qui survit, et qu’est-ce qui survit c’est ce qui est le mieux adapté”. Une adaptation au milieu, momentanément excellente, peut s’avérer funeste si elle n’est pas assez souple pour résister à un changement accidentel de ce milieu comme ce fut le cas des dinosaures. Autrement dit quel est le critère permettant de savoir si une adaptation est favorable ou défavorable pour la survie future compte tenu des aléas imprévisibles ?

Pour la TGS ce critère est bien un projet divin définissant l’axe des adaptations favorables en sorte que ce projet se réalise. Mais ce projet exerce une régulation cachée inaccessible à la science car transcendante. Le ressort de cette régulation est un attracteur avantageant les sélections qui vont dans le sens de l’accomplissement du projet et pénalisant les autres. Cette régulation n’est pas incarnée dans un moteur interne comme le pense Anne M.D. Elle n’est pas immanente, inscrite dans des gènes architectes. Elle ne contrarie en rien le jeu des libertés naturelles livrées au Hasard, ni de la liberté qui fonde la dignité de la condition humaine, mais elle fait le tri entre les gagnants et les perdants véritables en fonction d’un critère que nous ignorons présentement. Il est en effet selon la foi chrétienne ce pôle de consommation finale de l’amour entre le Créateur et la Création lui disant Oui librement parce qu’elle a tout compris de son dessein au terme d’un processus d’élucidation que l’intelligence humaine a la capacité de mener à terme, non pas seule mais avec l’assistance de l’Esprit Saint.

Comme l’a magistralement éclairé Teilhard, ce processus est fondé sur la réciprocité d’une collaboration interactive entre l’Homme et Dieu, à la fois divinisation de l’humain et humanisation du divin car Dieu a besoin de nous comme ouvriers de la construction de son Corps et ces ouvriers ont besoin d’être nourris de ce Corps.

Donc match nul entre AMD et ses contradicteurs. AMD nie l’absolu du Hasard en le soumettant à une régulation génétique, incarnation d’un projet divin, qui n’est pas démontrée. Ses contradicteurs croient à l’absolu du Hasard mais ils sont contraints d’admettre une succession miraculeuse de hasards favorables comme à propos de la formation de l’œil


Documents joints

Article de JM Maldamé sur l'affaire Schönborg (...)

Commentaires  Forum fermé

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mardi 1er novembre 2005 à 10h42 - par  Eric LOMBARD

Cher Xavier, merci pour ces commentaires à chaud sur ce documentaire qui suscite un tel vent de panique dans le monde des matérialistes qu’ils ont obtenu d’Arte l’organisation au dernier moment d’un pseudo-débat venant cloturer l’émission. Ce n’est d’ailleurs pas à l’honneur de la chaîne d’avoir cédé aux pressions et surtout d’avoir intitulé "débat" un exercice de réfutation de la thèse exposée dans le film, auquel la principale intéressée n’avait pas été invitée.
(Voir le communiqué de l’AFIS)

A noter que Le Monde a publié le 30/10/05 deux articles sur les remous provoqués par le film :
- Un film soupçonné de néocréationnisme fait débat
- Les arguments d’Anne Dambricourt-Malassé

Ceci êtant dit, je ne comprends pas bien le reproche que tu fais à ADM de nier la liberté humaine :
- d’une part, la question de la liberté ne se poserait pas si l’homme n’était pas apparu dans le processus évolutionnaire.
- d’autre part, ce n’est pas limiter la liberté de l’homme que de lui donner les moyens de l’exercer, moyens de plus en plus perfectionnés, qui donnent à l’homme une prise sur sa propre évolution. Evolution culturelle qui par l’accumulation et la capitalisation des connaissances permet à l’homme d’adapter son milieu beaucoup plus vite que les mécanismes d’adaptation naturelle ne lui permettraient de s’adapter à son milieu. Manipulations génétiques que l’homme en viendra un jour ou l’autre à s’appliquer à lui même.
- enfin, cette évolution dirigée que démontre ADM ne met pas en jeu la liberté de l’homme, car elle est subie, comme beaucoup d’enfants subissent la déformation de leurs mandibules, les obligeant à porter moult appareils. Notre liberté est dans nos actes face aux contingences extérieures et surtout dans notre relation à l’autre.

Amitiés
Eric

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mardi 1er novembre 2005 à 21h24 - par  Xavier SALLANTIN

Je me félicite d’avoir réagi à chaud à l’émission d’Arte avant d’avoir pris connaissance de la sévère critique du Monde du 30/31 Octobre qui était invévitable et fondée. Voilà dix ans que je mets en garde Anne M. Dambricourt et son "impressario" Jean Staune (Fondateur de l’Univeriste Interdisciplinaire de Paris) sue ce que leur contestation de la religion du darwinisme les fait tomber dans la religion aussi contestable de l’antiedarwinisme sytématique.

Telle n’est pas la position de Teilhard de Chardin et je recommande à ce sujet les pages éclairantes de Martelet (notamment 223 et suivantes) où l’homme est le libre collaborateur de Dieu à l’oeuvre de création. dans la plus stricte fidélité à St Paul.. C’est postuler que Dieu ne peut avoir créé par amour un homme esclave d’un moteur interne et d’un petit fil rouge le contraignant à dire amen au dessein du Créateur pour qu’il assure sa réalisation comme un robot téléprogrammé. L’amour ne commande pas l’amour car il n’est pas de véritable amour sans liberté de consentement. Pour Teilhard, la Création est le contenu d’un champ d’amour polarisé par un pôle Oméga de plénitude d’amour. Dans ce référentiel les créatures sont susceptibles en toute conjoncture d’agir ou non en direction de ce pôle car elles n’ont pas de boussole qui le leur indique. Mais ce champ polarisé fait fonction de régulateur en ce que les options dans la bonne direction qui font progresser dans la croissance de l’amour sont avantagées tandis que les autres qui font régresser sont désavantagées .Le processus d’amorisation croissante qui selon Teilhard donne son sens à l’histoire du salut procède de cette régulation transcendante.des actions humaines qui achemine par sélections successives les gagnants vers la vie éternelle tandis que les perdants sont voués à la mort éternelle.

Les théoriciens de l’intelligent design postulent que nous avons cette boussole de l’amorisation croissante physiologiqement programmée et qu’il n’y a qu’à obéir à ses indications pour être sauvé. Dans mon Livre Zéro, je montre à la suite de St Ignace comment seul l’Esprit Saint peut fournir une telle indication et encore à condition de lui avoir librement demandé son assistance et toujours en nous laissant la liberté de la récuser après coup.

Maldamé dans sa réaction à l’article du Cardinal Schönborg (communiqué au Groupe Béna) réfute remarquablement cette thèse néocréationiste.

Je ne saurais donc assez mettre en garde contre les séductions de la présentation de sa théorie par Anne M. D surtout lorsqu’elle commence par l’évolution récente flagrante de la machoire qui fait de moins en moins de place aux dents de sagesse.Il est effectivement très possible qu’elle laisse présager un développement favorable du cerveau en sorte que la sélection naturelle avantagera ceux qui en bénéficieront s’ils se trouvent ainsi mieux adaptés à l’environnement mondialisé de demain. Mais il n’y a là qu’un processus classique très darwinien dont on peut citer bien d’autres exemples tels que la formation de l’oeil. Il reste que la Nature comme l’Homme ignore quel est ce meilleur qui prévaudra demain. On peut considérer que le meilleur serait pour l’humanité future non pas l’unification organique mais son conraire et que demain c’est peut-être une île lointaine ayant échappé à la mondialisation qui assurera la survie de l’espèce si toute le reste sombre dans le chaos.De même dans la Nature, l’oeil n’est pas un avantage évident puisque de nombreuses espèces en sont privées et demain en cas de flash nucléaire aveuglant ce sont peut-^tre les seules créatures aveugles qui survivront.. L’indication du véritable meilleur n’est donc pas immanente, inscrite dans la création, mais dans le champ trancendant d’amour qui la baigne.

Je ne puis donc que déplorer que ceux qui comme Teilhard, Martelet, Maldamé et la TGS relativisent le darwinisme et son dogme de l’absolu du Hasard - en pensant qu’il joue dans un référentiel transcendant polarisé - soient classés néofondamentalistes par la faute de pseudo teilhardiens trop zélés. Il est humiliant pour des croyants d’être à juste titre taxés d’obcurantisme par ceux qui nous prêtent les convictions naïves d’un Schönborg ou d’une AMD concernant la programmation immanente ’un "intelligent design" dans la Création.

Le Monde fait notamment allusion sans la nommer à l’UIP de Jean Staune effectivement soutenue par les dollars de la Fondation Templeton qui est typique de ce zèle mal éclairé qu’il ne faut pas à mon avis encourager. En tout cas je serai heureux si cette controverse permet de soulever cette différence fondamentale entre un intelligent design immanent engrammé dans le créé accessible à la connaissance et d’un intelligent design incréé et susceptible seulement d’être révélé à la foi.
Amitiés
Xavier

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mercredi 2 novembre 2005 à 13h29 - par  Matthieu Guillermin

Bonjour à tous !
je me pose une question :
Pourquoi quelque chose d’imprédictible est-il considéré comme n’ayant pas de sens ?
Par exemple, la mécanique quantique prédit un comportement complémentaire d’onde et de corpuscule. On le vérifie d’ailleurs bien. Mais est-on capable de donner un sens à cette prédiction ?
De plus, le tirage d’un dé est imprévisible (on prédit justement 1/6 pour chaque possibilité) mais son résultat aura souvent un sens bien précis (et je rejoins ici Xavier je crois ?) suivant les règles que je me serais fixé, suivant un champ extérieur dissymétrique faisant l’objet d’un consensus entre les joueurs : j’ai gagné ou j’ai perdu (par exemple).
Je sais que j’emploi à la fois prévision et prédiction dont je n’apprécie pas bien les différences, mais en tout cas je ne cerne pas bien dans quel sens AMD les emplois dans son entretien avec NC.
Bien à vous !!

mardi 8 novembre 2005 à 08h18

Je pense que "l’affaire Dambricourt" vient à point nommé pour éclairer la TGS qui propose une troisième voie entre le drawinisme absolu ayant le Hasard pour seul dieu et le darwinisme relatif du Hasard contraint par un régulateur caché qu’il appartient à la science de tirer au clair. Selon neux, ce servopilote réglé au cap de "l’’intelligent design" est en effet programmé dans la nature, tel un gène architecte dans le génome de l’Univers et szelon le cardinal Schönborg et les néofondamentalistes il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir. C’était la thèse d’Einstein avec la théorie des variables cachées, c’est celle de C de Duve et de nombreux paléontologues qui constatent des séries de hasards favorables trop miraculeux pour n’avoir pas une cause qu’il faut découvrir. La TGS postule que cette régulation n’est pas naturelle mais surnaturelle, mais que son intelligence n’est pas inaccessible à l’homme sous réserve d’une collaboration entre Dieu concepteur du projet de la Création, tel un maître d’ouvrage, assistant l’homme maître d’oeuvre réalisateur du projet. libre de concourir ou non à cette réalisation. Je maintiens que si le servopilote est un gène architecte programmant l’évolution vers sa fin , comme le postule le principe anthropique fort, l’homme esclave de cette horloge imotice nterne ou de ce fil rouge, ne jouit pas de la liberté souveraine de dire Oui ou Non à cet accomplissement fatal. Or, si comme l’affirme la Révélation, ce projet du Créateur, Dieu Amour créant par amour, a pour fin la consommation de l’Amour entre le Créateur et la Créature, le consentement de cette dernière à cette consommation doit être parfaitement libre, en pleine intelligence de cause. C’est notamment cette pleine intelligibilité du dessein du Créateur qui fonde la Théologie des "mauvais anges" disant a priori Non à l’économie de ce consentement mutuel qui rend l’homme semblable à Dieu. Teilhard a sur la fin de ses écrits éclairé magistralement cette dialectique de la "Christification" par divinisation de l’humain et humanisation du divin, se reprochant de n’avoir saisi dans un premier temps que l’incarnation initiale du Verbe dans tout l’Univers sans voir que cette Nature ainsi divinisée devenait responsable de la restauration finale de toute chose en Christ, ce que St Paul appelle la construction de son Corps. Ce projet grandiose, seul compatible avec la liberté souveraine de l’Homme, reflet de la gratuité du dessein du Créateur, échappe aux adeptes d’un darwinisme relatif qui pense comme Anne Dambricourt mettre la main sur un "moteur interne" manifeste à l’observation scientifique.

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vendredi 11 novembre 2005 à 18h17 - par  Alain Bruyère

Merci Xavier pour cet éclaircissement qui positionne la TGS sur un autre registre ! Quand tu indiques que la TGS postule que cette régulation n’est pas naturelle mais surnaturelle, j’imagine que tu fais référence à cette donation qui permet de distinguer le "pour" du "contre", et qui se concrétise la première fois dans la Protosphère où elle permet de distinguer la manifestation et la non manifestation. Régulation qui s’exprime d’ailleurs également aux niveaux successifs de la cosmosphère, biosphère et noosphère où la liberté du choix "pour" ou du choix "contre" est préservée mais où le principe même de l’alternative et de la distinction des 2 choix possibles dans l’alternative vient de cette donation initiale avec en plus bien sûr la propension vers la réalisation de l’accord plutôt que le désaccord. Il faut selon moi supposer que cette flèche d’Accord fait partie de la donation car si elle n’avait pas été donnée initialement, il n’y aurait pas eu de manifestation, ni de temps, ni de force ni d’espace, faute de critère de discrimination. Je dirais donc que la TGS se rapproche d’un darwinisme, ni absolu, ni relatif mais transcendant dans la mesure où il est "orienté" par cette flèche d’accord donné par le Créateur

Pourrais-tu aussi expliciter,quand tu indiques que la Révélation affirme que le projet du Créateur a pour fin la consommation de l’Amour entre le Créateur et la Créature, ce que signifie cette consommation. J’entends bien "consommer" au sens de "mener au terme de son accomplissement", mais ne tombe-t-on pas là dans une tautologie car qu’est ce que le terme de son accomplissement si ce n’est la consommation de cet Amour ?

Merci d’éclairer ma lanterne

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samedi 26 novembre 2005 à 10h57 - par  Janine Ménage

Ce débat est passionnant et il est vrai que la passion peut s’y mettre.
Je n’ai pas qualité pour discuter des aspects scientifiques de la question, mais le débat en cours ces temps derniers sur le Forum de Béna suscite en moi quelques réflexions de remise en ordre personnelle, que je me permets de vous livrer.

Il s’agit ici des conditions de la recherche de la vérité.

L’homme de sciences explore le réel, il étudie les faits et les relations entre les faits, construit des hypothèses pour aller plus loin dans la découverte de la vérité, hypothèses qui seront vérifiées ou infirmées par des expériences renouvelables. Il n’a pas à aller au-delà, même s’il a quelquefois envie de le faire pour étayer ses propres croyances – et nous savons que la ‘croyance’ scientifique matérialiste induit des comportements aussi passionnels et entêtés que n’importe quelle autre croyance plus ou moins obscurantiste.

Le métaphysicien réfléchit à partir des faits et au-delà, à la poursuite de vérités plus générales, plus profondes, plus ‘ontologiques’. Les philosophes sont outillés pour ce faire, mais chacun peut s’y essayer, même l’homme de sciences – à condition de savoir et de dire qu’il n’est plus là dans son domaine propre mais dans la métaphysique, et qu’il n’est pas plus qualifié qu’un autre pour bâtir des hypothèses théoriques. Je reconnais qu’il est tentant de passer d’un domaine à l’autre, ils sont si proches et ils s’appellent si fort l’un l’autre. Raison de plus pour être prudent et vigilant, comme le dit Xavier en connaissance de cause, lui qui chemine depuis des décennies sur le fil du rasoir entre sciences dures, philosophie et théologie. C’est là d’ailleurs le défi, la nouveauté et le risque de la TGS.

Le domaine de la théologie est d’un autre ordre, l’ordre de la foi éclairée par la raison. Le chercheur de la vérité de Dieu puise la substance de sa recherche dans la Révélation divine et l’Ecriture sainte. Sachant que cette révélation ne nous est pas donnée d’un coup, mais progressivement, en accord avec la maturation humaine, le théologien sait aussi que toutes les découvertes humaines peuvent éclairer sa quête – les découvertes de la science, comme la vie des mystiques, avec ses prodiges et sa poésie visionnaire, comme les enseignements de l’Histoire. Mais il les éprouve, ces découvertes, ces vies et ces événements, au brasier qu’est le Christ, colonne de Vérité, Centre attracteur d’Amour, avec la grâce de l’Esprit Saint.

De ce fait me semble découler cette certitude, inspirée de la conviction que St Paul exprime dans sa Lettre aux Romains : « ni mort, ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni futur, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni rien d’autre de créé ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu a pour nous dans le Christ Jésus Notre Seigneur. » - j’ajouterais donc : ni le fait de l’évolution, ni le jeu des contingences, ni la découverte éventuelle d’un programme génétique ‘orienté’... ni aucune découverte scientifique présente ou future... ne pourra contredire la Révélation chrétienne. Et il n’y aura pas de « nouvelle Alliance », il n’y en a qu’une, celle que le Christ a ravivée de sa parole et scellée de son sang. Il ne s’agit que de s’y convertir.

Cela étant, cette révélation ne cessera de s’éclairer et de s’approfondir grâce à toutes les découvertes humaines, puisque le réel n’en finit pas de livrer ses secrets. Si par exemple nous découvrions un jour des êtres pensants habitant une autre planète, cela ne mettrait pas notre foi en péril, cela ne ferait que confirmer « la hauteur et la profondeur » du Royaume du Christ, roi de l’univers.

Le problème aujourd’hui est que les découvertes scientifiques frôlent de si près les grandes interrogations fondamentales – la maîtrise de la vie et de la mort de l’homme, l’origine et l’avenir de l’espèce humaine, l’avenir de l’univers, la conscience humaine, l’intelligence artificielle, les possibilités d’action sur le génome, les relations de l’espèce humaine et de sa planète, etc.- que chacun se croit justifié d’aborder ces questions par le biais qui est le sien, sans prendre toujours la précaution de situer son propos et de le mesurer. D’où la plongée dans le passionnel, car ce qui est en cause, c’est la peur de voir s’écrouler la base même de sa propre croyance. Mais est-on toujours libre de dominer ses peurs ?

La question de la liberté humaine est bien au cœur de ce débat.
Je préférerais parler de libération progressive que d’un acquis de départ. Ce qui nous est donné en héritage d’homme, ce sont des capacités : de réflexion, de libre choix, d’altruisme, de don de soi, capacité d’un amour qui un jour pourra s’accorder à celui du Dieu Trinité. Ces capacités demandent à se construire, à s’affirmer. Ainsi en va-t-il de notre liberté, je pense, qui se forge au long des jours et des rencontres par des choix positifs s’accordant sur le projet de Dieu sur nous. Car le libre choix implique aussi une capacité de refuser ce projet, une capacité de nuire, de s’illusionner, de blesser, de détruire.
En fait, ce ne sont pas les gènes qui activent ou freinent la libération de la personne humaine, mais, à partir de cet héritage fondateur accordé par le Créateur, ce sont ses relations aux autres et les actes qu’elle pose tout au long de sa vie.
Le nœud du problème, si je comprends bien, est de savoir si ce projet directeur qui oriente l’évolution humaine est immanent, comme essaie de le montrer ADM, ou transcendant comme le pense X.S. Pour le moment, nul ne saurait trancher, mais il est certain que l’hypothèse qui induirait une limitation de la liberté de l’homme de dialoguer avec Dieu et d’œuvrer avec Lui ne serait pas la bonne.

La leçon de ce débat pour les chercheurs de vérité, me semble-t-il, est encore et toujours l’exigence de ces vertus difficiles : la prudence, la modestie, la patience, la persévérance, l’humilité, la confiance, la vigilance. C’est une évidence, mais le vivre au jour le jour, et en particulier à travers ce type de questionnement, demande de se dépouiller de soi, et de s’avancer nu au devant d’une vérité toujours neuve, toujours surprenante, souvent dérangeante. Et cela, c’est toujours à recommencer.

Nous pouvons donc remercier Anne Dambricourt, comme Xavier Sallantin, de secouer l’arbre de nos vérités incertaines et assoupies pour nous remettre à nu devant le mystère inépuisable de la vérité de notre destin, avec la seule certitude de pouvoir compter, pour nous éclairer pas à pas, sur la lumière de l’Esprit Saint.

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dimanche 27 novembre 2005 à 12h24 - par  B.Lallour

Réponse à Janine Ménage sur « A propos de la logique de l’évolution », 26/11/05.

Je viens de prendre connaissance, avec beaucoup d’intérêt, de la participation de Janine Ménage à propos du débat en cours sur « La logique de l’évolution ».

Elle fixe bien les « conditions de la recherche de la vérité » propres au scientifique, au philosophe et au théologien, avec chaque fois pour chacun, la tentation de proposer une approche globale, quoique personnelle.

Janine remet les choses à leurs places, et cette réflexion féminine est bienvenue par la recommandation de qualités de prudence, de vigilance et d’humilité (autant de dons du Saint Esprit), dont elle prêche d’exemple (à l’instar de son livre « Genèse de l’Esprit »)
J’ai particulièrement aimé : « Ce qui est en cause, c’est la peur de voir s’écouler la base même de sa propre croyance ; d’où la plongée dans le passionnel » et « la question de la liberté humaine est au cœur du débat »…
Il faut souhaiter que Janine intervienne plus fréquemment, car elle parle de bon sens et avec clarté ; c’est la condition indispensable pour prétendre au Sens.

Mais elle ne s’étends pas sur la question en vogue de « l’Intelligent design », sinon pour parler d’immanence avec AMD et de transcendance avec XS.

C’est l’occasion pour moi de préciser mes réflexions sur ce sujet, (reprises dans le Journal épistémologique de ce mois). Le débat fait actuellement fureur, à l’initiative principalement des milieux évangéliques nord-américains, sur la primauté d’un ‘Plan de Dieu » dans la Création de l’Univers (Cosmos), lequel s’épanoui dans l’Homme, avec son intelligence réfléchi.
Le « Créationniste » a le grand tort de considérer le dire des « Ecritures » comme une révélation indépassable, fixé une fois pour toute, alors que l’évolution scientifique et culturelle nous oblige à une nouvelle compréhension de la Genèse et à nouveau langage.
Le débat se radicalise très vite autour d’un choix limité entre Hasard (déterministe) et Finalité. Il nous faut choisir entre le hasard organisateur et l’espérance créatrice !

Assurément, nous croyons sans peine à une conception intelligente du Monde, qui explique, à son tour, notre propre ingéniosité à déchiffrer les « lois de la nature » et les étapes successives d’une lente évolution combinatoire buissonnante, que nous pouvons en partie comprendre et influencer.
Constatant une telle beauté dans cette diversité du Monde, pouvons nous imaginer une finalité, autre que la totale fusion promise, avec le Dieu qui nous a voulu tels que nous sommes, et qui s’est lui-même « incarné » dans la Personne du Christ !

Mais précisément, nous savons avoir été crées par amour de Dieu, libres et responsables de nos pensées et de nos actes. « Dieu, laisse l’homme, à son propre conseil » (Si.15/14) Entre le mystère et l’absurde, nous voulons conserver la liberté de croire, en ce qui nous dépasse !
Nous voulons assumés notre mission de co-participant à l’évolution du Monde, sur laquelle nous pouvons avoir une influence importante (en bien ou en mal), qui déjoue le hasard.

Notre liberté, même si, dans de nombreux cas, ne peut être que « l’intelligence de la nécessité », c’est à dire une adhésion raisonnée ou simplement croyante, reste, par nature, « le droit de n’être pas d’accord » et même jusqu’à nier le dessein de Dieu pour la Création. .

Je reviens à Teilhard, qui déclare : « Sous peine de nier tout ce que nous sommes et tout ce qui nous a faits, nous ne pouvons qu’adapter, chacun pour nous, le choix primordial impliqué dans le Monde dont nous sommes les éléments réfléchis. / Scientifiquement et objectivement, l’unique réponse faite aux appels de la Vie est la marche du progrès, seule reste ouverte l’issue en avant ».
J’en conclus ma propre définition : « La liberté est le droit (qui est aussi un devoir) de choisir une fidélité.. ».
Du coup, l’Homme constitue un chemin plein d’imprévus, vers l’apocalypse mystérieuse de la Création, mais nous avons foi en Dieu pour guider sa raison et son cœur dans ses actions et l’associer à la future Parousie du Christ : nous croyons, en somme, à ce que l’on appelle « Providence ».

Encore merci, chère Janine, de votre intervention. Amitiés. B.Lallour.

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dimanche 4 décembre 2005 à 21h15 - par  Eric LOMBARD

Je n’ai sans doute pas été assez explicite sur la question de l’intelligent design et sur interrogations que cela nous pose.

Pour moi, la réponse à cette question de la logique de l’évolution est à la fois dans la science et dans le fait de la liberté humaine.

Il y a bien un dessein créateur inscrit dans la nature, nous en sommes bien d’accord ; la question est de savoir s’il est inscrit ou non dans les gènes de l’homme. Je penche, avec X.S., pour la transcendance plutôt que pour l’immanence, mais un éclairage plus précis peut nous être apporté, dans un sens ou l’autre, par les progrès de la recherche en paléontologie et neurobiologie, à l’avenir. D’où la nécessaire patience de l’homme de sciences et de ceux qui guettent ses progrès.

Mais quelle que soit la réponse à cette première question, il restera toujours le fait de la liberté humaine. Même si le dessein intelligent qui mène la création à son terme était inscrit dans les gènes humains, cela ne ferait pas de l’être humain un robot programmé, du moins c’est ce que je pense, d’après l’expérience qui nous montre (par l’observation, par exemple, de vrais jumeaux élevés dans des milieux différents) que la personne se construit essentiellement par ses relations avec autrui, en interaction avec son milieu physique et humain et qu’elle construit en même temps sa liberté, non seulement en interaction avec autrui et avec les événements fortuits de sa vie, mais surtout grâce à sa relation avec le Tout Autre, l’Esprit du Dieu Trinité. C’est ce que nous croyons, nous chrétiens.

Evidemment, nous ne pouvons obliger les non croyants à nous suivre sur ce terrain. Ils peuvent soit nier la finalité de l’évolution, soit la réalité de la création continue (ces deux attitudes me semblent de moins en moins crédibles d’ailleurs) soit imaginer un tout autre avenir pour l’espèce humaine, selon leur fantaisie. Mais nous restons alors au niveau de l’animal pensant, et nous ne voyons pas comment pourrait surgir l’homme radicalement nouveau issu d’un nouveau saut évolutif, nous ne voyons qu’un simple prolongement de ce qui existe déjà.

Cela m’amène donc à penser, à la suite de Claude Tresmontant qui démontre cela très clairement dans ses ouvrages, insistant sur la création orientée et la nouvelle programmation portée par le prophétisme hébreu, puis par l’Evangile, que s’il y a une nouvelle programmation, une nouvelle information qui permette à l’homme de franchir une nouvelle étape évolutive, c’est la Bonne Nouvelle de l’Evangile, qui donne la clé de notre transformation – transmutation ? – de l’animal pensant qu’est l’homme de Cro Magnon à l’homme capable de s’unir librement à Dieu créateur et de coopérer à Sa Création. C’est pourquoi je précisais qu’il n’y aura pas de nouvelle alliance autre que celle que Jésus-Christ a scellée de son sang, faisant allusion à Prigogine dont il a été question dans l’entretien de AMD dans Nouvelles Clés.

Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus... mais la suite du débat pourra m’éclairer davantage. Merci à tous.

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lundi 5 décembre 2005 à 20h14 - par  Eric LOMBARD

Il me semble qu’il faut distinguer les domaines de pensée (sans les séparer, pour maintenir l’unité de la personne qui pense). Sinon, on utilise des critères de vérité inadaptés.

La logique de l’évolution est un cas typique :

1) S’il s’agit de la logique scientifique du phénomène observable qu’est l’évolution, utilisons les règles de cette logique liées aux possibilités offertes par la déduction, l’induction, l’abstraction, la méthode hypothético-déductive, etc.
Les idées très originales de Xavier sur le code génétique font partie de ce domaine et j’espère que nous saurons les mettre en valeur au fur et à mesure qu’elles décanteront.
Je crois que je vous ai envoyé ce que j’ai pu rassembler comme documentation sur la logique de l’évolution dans un envoi précédent, pour que vous puissiez le critiquer (si vous ne l’avez pas reçu, je vous l’enverrai volontiers), en particulier pour ce qui concerne la sélection naturelle.

L’un des problèmes scientifiques qui se pose dans ce domaine est celui de la dialectique qui règle les rapports entre l’être vivant et son environnement (problème hâtivement évoqué par A. Dambricourt qui a pensé le résoudre mais s’est attirée la critique de ses collègues parce qu’elle n’a pas apporté de réponse logique).

2) Le problème scientifique du rôle du "hasard" dans l’évolution ne peut être résolu qu’après avoir précisé ce qu’est le "hasard". Là, on arrive obligatoirement à poser une question épistémologique : "Qu’est-ce que le hasard ?". Il faut alors commencer par définir le "hasard" pris en compte par le calcul des probabilités et se souvenir que la définition de la probabilité d’un évènement a été radicalement modifiée à deux reprises (je pourrai envoyer une petite discusssion sur ce point).

Ensuite, il faut réfléchir à la causalité physique et au "hasard" d’Aristote, à la téléologie, à la téléonomie ... (au minimum une dizaine de pages !)

Pour revenir à l’évolution biologique, il est alors possible de voir qu’elle a un "sens" (analogue à la flèche du temps en physique) dont j’avais parlé rue de Sèvres l’année dernière, sans avoir réussi à susciter la réaction que j’espérais ...

3) Quant à la logique de l’évolution dans le désir salvifique du Créateur,
etc. . du "sens" de l’évolution et du rôle du hasard, c’est encore un autre domaine de pensée, qui fait intervenir la Révélation. Ce domaine n’est pas irrationnel, mais il n’est pas traité par le raisonnement philosophique (cf. Thomas d’Aquin, Anselme, Kant, Husserl, etc.)

Si vous n’êtes pas d’accord avec ce que je viens d’écrire, vous me rendriez service en me disant où il vous semble que je me trompe. Je ne suis qu’un des chercheurs de vérité et je sais que je ne la trouverai pas dans une réflexion solitaire.

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