Vent de Béna - Pentecôte 1996
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Passons sur l’autre rive...
Dans les Évangiles, l’incitation à passer sur l’autre rive revient comme un leitmotiv. Il me semble que l’heure est venue de nous jeter à l’eau pour tenter d’établir une tête de pont sur la rive du prochain millénaire. Sur ce nouveau rivage qui se profile à l’horizon embrumé, s’annonce l’imminence d’une nouvelle naissance pour une humanité qui se mondialise dans les douleurs d’un enfantement dont elle ne comprend pas le sens. Il s’impose d’y débarquer pour effectuer une reconnaissance. Cependant nul n’ignore que les premiers éléments d’un débarquement ont toute chance d’aller au sacrifice, surtout si derrière eux les renforts ne suivent pas. La claire conscience de ce risque n’est pas un motif suffisant pour renoncer.
J’ai souvent évoqué le récit de la traversée du lac dans les textes fondateurs de Béna. La barque de St Pierre est en perdition au milieu de la mer de Galilée ; malgré la tempête qui menace, Jésus a commandé à ses apôtres de passer de l’autre côté en leur promettant de les rejoindre ; ces rudes pêcheurs, "connaissant les signes du ciel", savaient bien que prendre le large avec cette météo défavorable était absurde, mais ils ont obéi : de fait, ils s’épuisent à ramer contre les flots déchaînés ; n’avançant plus, faisant eau de toute part, on les imagine rouspétant : "on avait pourtant prévenu le patron". Quand Jésus marchant sur les eaux les rejoint, il est bien compréhensible qu’ils le prennent pour un fantôme et Pierre paie d’un bon bouillon son manque de foi. "Ils allaient le prendre à bord" nous dit St Jean, mais voici qu’ils découvrent qu’ils sont rendus sur l’autre rive alors qu’ils se croyaient encore au milieu du lac.
Cet ordre de passer sur l’autre rive est renouvelé à bien des reprises par le Christ comme si c’était toujours de l’autre côté que le peuple était attendu pour recevoir un message essentiel : notamment la prédication du pain de vie ou des béatitudes. Cette traversée purificatrice et régénératrice ne fait que répéter toute l’économie baptismale et pascale de l’Ancien Testament avec les épisodes du déluge, du franchissement de la Mer des Roseaux ou du passage du Jourdain. Isaïe le prophétise (8-23) : "L’avenir glorifiera le chemin de la mer, au delà du Jourdain, Galilée des nations".
Au cours des Séminaires Béna, nous avons tenté depuis huit ans de scruter de loin cette autre rive à l’aide des téléobjectifs les plus performants de la science moderne. Nous avons procédé à des investigations tous azimuts, repéré bien des fausses pistes, et notre recherche a atteint un certain stade de maturité. Le moment me parait venu d’en faire le bilan. J’ai proposé à une vingtaine de scientifiques qui, chacun dans leur discipline, sont les pionniers de l’une, ou l’autre des percées en cours, de se réunir lors du Séminaire Béna 9 pour tenter d’établir une synthèse. À la faveur de cette confrontation, on aurait pu vérifier si tous ces axes de pénétration convergent ou non en direction du dénouement de la crise du sens, ce marécage où la pensée occidentale est aujourd’hui enlisée.
.../... suite dans le document ci-joint, dans lequel Xavier Sallantin rend compte d’une session à Oxford organisée par la Fondation Templeton et des rencontes aoganisées par L’ESSAT à Cracovie. Il annonce aussi la fin des séminaires Béna.