J’ai reçu à Béna le 18 Mai le livre de Ray Kurzweil “The singularity is near” signalé par Éric. Je l’avais commandé sur Amazon le 16 Mai (25 Euros ) ; c’est rapide ! je n’ai fait que parcourir ses 652 pages. Cela m’intéresse beaucoup de voir comment de grands éditeurs en viennent à publier des ouvrages scientifiques à problématique “prophétique” comme “Le pas du Sens”. Sa vision de l’avenir est celle d’un ingénieur se penchant sur l’accélération exponentielle de l’intelligibilité assistée par l’informatique. Elle débouche sur une implosion conceptuelle inévitable avant la fin du siècle et je le rejoins dans cette perspective de franchissement d’un seuil inaugurant une singularité finale dont l’informatisation planétaire est le moteur. Il voit naître une population “d’initiés” qu’il appelle les “singularitariens” qui s’inscrivent dans cette perspective de franchissement imminent d’un seuil. Je me sens membre de cette confrérie mais, si je suis d’accord avec lui sur les causes technologiques de cette rupture radicale prochaine, je ne suis pas d’accord sur son analyse de ce seuil et de son au-delà.
Il divise l’histoire de l’Univers en six époques qui pourraient correspondre à mes sept sphères s’il ne fondait en une seule époque ma protosphère et ma cosmosphère. Par contre chez lui les trois époques de l’histoire humaine ont pour unique ressort les progrès “affolants” des performances à court terme des machines multipliant explosivement le potentiel cognitif jusqu’à ce Big Bang futur qui changera tout. À première vue, sa réflexion me paraît très pauvre sur le plan sociologique, philosophique, théologique et même scientifique. Stephen Wolfram anticipait en 2002 une révolution analogue dans son ouvrage “a new kind of science”, et il proposait la théorie des automates cellulaires pour fonder le programme de cette évolution. Rien de tel chez Kurzweil qui est un technicien éclairé mais non un théoricien. Rien à voir bien entendu avec ma théorie de la numérisation naturelle fondant logiquement ces discontinuités de l’histoire. Je suis assez surpris d’apprendre que l’auteur, qui raconte sa vie, est un juif dont les parents ont fui le nazisme. Sa pensée est strictement matérialiste et son spiritualisme se limite à cette religion “singularitarienne” qui fait l’économie de toute transcendance. Mais il me paraît très significatif qu’en dépit de cette indigence humaniste, et peut-être à cause d’elle, il fasse apparemment un tabac. C’est très conforme au pragmatisme anglo-saxon.
Je n’ai pas le temps pour le moment de me livrer à une lecture approfondie de cet ouvrage mais il suffit de parcourir l’index pour constater que des penseurs tels que Pascal, Hegel, Husserl ou Spinoza sont aux abonnés absents comme le christianisme d’ailleurs (Jésus-Christ n’est pas nommé). Je n’exclus pas que ce premier aperçu très superficiel ne soit à réviser et je serai très intéressé de connaître d’autres points de vue et de lire notamment les recensions qui ne manqueront pas de paraître. Ma critique ne vise nullement à dissuader de cette lecture. Je crois au contraire très important cet ouvrage symptomatique.
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