Soyez savants, devenez prophètes (G. Charpak, R. Omnès)
par
Georges Charpak, prix Nobel de physique pour son travail sur les chambres à fils (détecteurs de particules) au CERN.
Instigateur du projet éducatif La main à la pâte.
Roland Omnès, physicien théoricien, spécialiste de l’interprétation de la mécanique quantique.
Ce livre est une tentative de sensibilisation aux changements apportés par la science et en particulier la découverte des nouveaux piliers de la physique que sont la relativité générale et la mécanique quantique. Révolution technologique, mais aussi changement de paradigme, les lois de la mécanique quantique réintroduisant la liberté du hasard dans un univers que l’on avait trop vite tenu pour déterministe. Les auteurs vont jusqu’à reconnaître une dimension sacrée aux lois de la physique, au risque disent-ils, de choquer les matérialistes, scientistes, positivistes, rationalistes (p182).
La vulgarisation des aspects fondamentaux de la mécanique quantique est peu convaincante. Il vaut mieux se reporter à Feynmann ou à l’indémodable "Cantique des quantiques (Ortoli et Pharabod, La Découverte 1984)"
Par contre, les auteurs présentent des résultats plus récents, qui n’étaient pas connus lors de la publication de ces derniers ouvrages, et qui sont encore peu connus du public. Il s’agit de la difficulté théorique du passage du quantique au macroscopique qui avait été illustrée par le célèbre paradoxe du chat de Schrödinger.
(p123) La transmutation des lois lors du passage du monde quantique au monde macroscopique se modélise parfaitement (décohérence) sans faire appel à la conscience d’un observateur.
Paradoxe du chat de Schrödinger : l’élimination, dans l’état du chat, de ce qui est inconnaissable, aboutit a la disparition des nombres complexes. Lors de cette transmutation, les lois fondamentales ne cessent pas d’être vraies, mais prennent une autre forme "parce que nous exigeons d’elles de dire le connaissable, de se restreindre à ce que nous-mêmes (ou quoique ce soit dans l’Univers) pouvons connaître ou mesurer". "Les lois quantiques sont en principe vraies pour le chat, mais elles sont inutilisables en pratique ; les lois macroscopiques sont utiles dans la pratique, mais on commettrait une grave erreur en essayant de les appliquer à un atome".
Les lois déterministes conservent une part de hasard, tout à fait infime.
La décohérence n’est pas instantanée. Elle a pu être confirmée par l’expérience de Michel Brune, Serge Haroche et Jean Michel Raimond.
Deux passages ont particulièrement retenu mon attention de "bénaïste" :
(p136) "La décohérence introduit une direction dans le temps, ce que les lois quantiques fondamentales ignoraient"
(Cf levée de la dyslexie phénoménale ou temporelle, au passage de la protospère à la cosmosphère)
(p178) "L’idée d’être dans la tradition grecque : "Voyons, se serait dit le démiurge, il n’y a rien pour l’instant et je désigne ce rien par zéro. S’il doit y avoir quelque chose, je désigne ce quelque chose par 1". Les commentateurs ultérieurs, de Parménide et Platon à Hegel et Heidegger parlent d’être et de non-être au lieu de 1 et 0, mais on voit bien que c’est la même idée. C’est alors que le démiurge se découvrit mathématicien. Il eut tôt fait en effet de tirer toutes les mathématiques, grâce à un zeste de logique et d’infini, ce qui ne lui posait aucun problème."
(Cf levée du bogue digital)
Au final, je reste un peu perplexe quant à l’impact que ce livre pourra avoir sur la cible visée, à savoir les jeunes : le style et la mise en scène sont un peu vieux jeu et les raisonnements restent souvent difficiles à suivre. Quant aux lecteurs plus avertis de ces questions, ils resteront sur leur faim, même s’ils peuvent glaner quelques pépites de ci de là.