Insuffler l’esprit du dialogue à notre planète câblée

Vent de Béna, Pentecôte 2004
vendredi 21 mai 2004
par  Eric LOMBARD

Les fils que nous filons sur le rouet de la vie, nous tentons de leur donner un sens, c’est à dire d’en faire un tissu, voire une tapisserie. Nous tissons tous plus ou moins dans notre coin, mais les membres de la communauté humaine sont de plus en plus amenés à participer à des ouvrages communs, voire, et c’est l’espérance chrétienne, à un grand œuvre selon le plan de Dieu qu’il nous appartient de découvrir. Des bribes de ce plan nous sont parfois soufflées, alimentant notre inspiration.

L’an dernier, deux fils conducteurs de ma vie se sont croisés pour tisser une nouvelle toile, au sens propre comme au sens figuré, comme vous allez le voir.
- Le premier, que je tente de démêler en lien avec Béna depuis de nombreuses années, est celui du sens.
- Le second est celui d’internet, que j’ai commencé à dérouler en 97. Le déploiement fulgurant du web allait pour moi dans le sens de la réalisation de la vision prophétique de Teilhard d’un super-cerveau humain. Et l’interrogation de Xavier "Quel esprit insuffler à une planète câblée ?" (Thème de Béna 8 en 1995) me replaçait devant ma responsabilité de co-créateur. Une voie de recherche s’est alors imposée à moi, sans que je puisse expliquer précisément comment et pourquoi : que faire pour qu’internet aide les hommes à dialoguer pour construire ensemble un monde plus harmonieux ? Même si à cette époque le dialogue n’est pas absent de ce fabuleux réseau - c’est même pour améliorer la communication à l’intérieur de la communauté scientifique qu’il a été conçu - il reste beaucoup à faire pour améliorer l’accessibilité, la qualité et la lisibilité des échanges ? Il existe certes de nombreux forums, chats, ou groupes de discussion, mais leur utilisation, pertinente pour de petits groupes, devient vite problématique dès que les discussions veulent s’ouvrir au plus grand nombre. Le foisonnement des contributions, avec leurs inévitables répétitions, les hors sujets, les affrontements stériles, rend indispensable tri, synthèse et structuration des débats, afin que ceux-ci soient facilement accessibles à tout moment.
Les moteurs de recherche m’ont permis de découvrir que ma préoccupation était partagée par quelques autres personnes, avec qui j’ai créé un petit groupe pour développer ce que nous avons appelé le débat méthodique et ouvert le site web www.hyperdebat.net afin de mettre ce concept en pratique.

Quand, l’an dernier, Alain Bruyère m’a proposé de participer à l’approfondissement du travail de Xavier, j’ai immédiatement pensé que cet outil de débat serait indispensable aux membres du groupe, très dispersés géographiquement, pour progresser entre les réunions. De là est né le site www.groupebena.org qui nous permet de partager les documents de base que sont les textes de Xavier, nos notes de lecture, les comptes-rendus de nos réunions, mais surtout sert de support à nos discussions sur les points qu’il nous semble devoir approfondir.

Teilhard pensait que l’évolution était destinée à franchir un nouveau seuil, après ceux de la vie et de la pensée. Même s’il n’a pas connu l’extraordinaire développement des moyens de communication de la deuxième moitié du XXème siècle, il pressentait que le mouvement amorcé avec la découverte de l’imprimerie, puis du télégraphe, du téléphone, de la radio, de la télévision allait continuer et irait même en s’accélérant.

Qu’apporte internet de réellement spécifique ? A vrai dire, rien de fondamental ! La conservation des données est déjà réalisée par les bibliothèques ; le télégraphe ou la télévision permettent l’instantanéité de la communication ; le téléphone apporte l’interactivité. En fait internet regroupe toutes les caractéristiques des media inventés depuis l’aube de l’humanité : texte, image, son, instantanéité, interactivité, conservation, accès illimité dans le temps et l’espace. C’est cela qui lui donne son potentiel, encore largement sous-exploité.

Si nous croyons que la mission de l’homme est d’être le continuateur de la création, le copilote d’une évolution tendant vers un point omega, il nous appartient de domestiquer ce nouvel outil pour lui donner tout son sens. C’est notre devoir d’apprendre à l’utiliser et à le maîtriser, d’aider les autres à se l’approprier, de lutter contre ses perversions, mais surtout de construire avec lui du nouveau.

Cela peut être fait au travers du partage des connaissances, en créant son propre site ou son blog [1], ou bien encore en participant à ces sites qui commencent à apparaître sur le web dont l’objectif est d’élaborer collectivement :
- des connaissances, comme Wikipedia [2], extraordinaire encyclopédie en ligne qui s’enrichit tous les jours des contributions de ses lecteurs, qui peuvent modifier ou compléter les articles existants ou créer de nouveaux articles sans autre contrôle que la vigilance de leurs pairs.
- des logiciels, comme Linux ou SPIP [3], développés sur internet par des bénévoles grâce à des outils collaboratifs.
- du consensus au travers de discussions ou débats, comme le site du groupe Béna, ou les sites de débats publics sur les grands projets d’infrastructure (autoroutes, aéroports, TGV) [4].
- des d’œuvres, d’art ou non.

Puissent ces quelques pistes vous donner envie de poursuivre votre exploration du web et de ses possibilités et surtout de devenir un neurone actif de ce super-cerveau.


[1blog est un raccourci pour weblog. Le verbe anglais « to log » pourrait se traduire par « enregistrer » . Les weblogs sont des petits logiciels simples d’utilisation permettant de tenir un journal pouvant être lu par tous les internautes. Google offre la possibilité de créer son propre blog sur le site de sa filiale blogger.com

[2version française http://fr.wikipedia.org beaucoup moins complète

[3Logiciel libre de publication de sites, utilisé par le groupebena

[4Voir également à ce sujet le site que j’ai créé sur l’utilisation d’internet pour une démocratie plus participative www.dialogue-democratique.net