L’univers est-il intelligible ? (Gregory Chaitin)

La Recherche 12/2003
samedi 29 novembre 2003
par  Xavier SALLANTIN

L’existence d’un certain ajustement naturel entre physique et arithmétique est admise par tous les scientifiques mais demeure jusqu’à présent pour eux une énigme. J’en fais l’exégèse et je pose qu’elle commence par l’ajustement
entre l’action et la valeur numérique unitaire du quantum, unité naturelle d’action. C’est là une codification quantitative naturelle d’une notion qualitative, l’action, fonction de trois grandeurs réversibles Temps, Force
et Espace qui sont des qualités. Or les trois relations d’incertitude de Heisenberg qui découlent de ce statut composite de l’action quantique révèlent aussi que chacune de ces grandeurs est ajustée sur une détermination numérique ambivalente. Ces ajustements ontologiques fondent une informatique naturelle car le quantum d’action est un bit d’expression naturelle. Ils fondent aussi une sémantique naturelle en ce qu’ils sont chacun significatifs d’un principe universel, loi de Nature, telle que le
principe de symétrie dont la physique fondamentale constate qu’il gouverne effectivement les comportements des particules. L’épistémologue que vous êtes fait légitimement observer que ces constats sont faits par des hommes
prisonniers de leur grille d’observation anthropomorphe. Le scientifique répond comme Galilée : et pourtant cela marche non seulement pour expliquer mais surtout pour domestiquer ces comportements naturels et se les asservir. Il répond aussi qu’il est conscient de cet anthropisme mais que précisément sa cosmologie le conduit à postuler l’existence d’autres bulles d’Univers inobservables où ces principes ne soient pas valides ; leur universalité est donc toute relative puisque limitée à la bulle que nous habitons, mais
n’est-ce pas déjà suffisant de se soucier de connaître notre maison, de comprendre son agencement et de savoir ce que nous y faisons sans spéculer sur ce que notre science elle-même affirme être à jamais inconnaissable. Cette informatique et cette sémantique naturelles sont donc le noyau dur de la TNN et si ces ajustements primordiaux entre qualitatif et quantitatif dont infondés, la TNN est réduite à néant. Il faut arrêter les frais. C’est toute la question que je me pose depuis 40 ans car le doute méthodique est
également inscrit dans la TNN...

L’article de Chatin dans la Recherche est effectivement capital en ce qu’il
est très représentatif du dogme relativiste qui gouverne aujourd’hui
l’épistémologie et auquel ne s’opposent que quelques francs-tireurs comme
Wolfram et Krivine. Je le conteste aussi pour la raison très simple que
toutes les démonstrations de Gödel, Turing, et Chatin (nombre Oméga)
postulent le numérotage univoque des théorèmes ou des programmes, c’est à
dire que pour définir le numéro suivant on ne tire pas au sort pour savoir
si l’on ajoute ou si l’on retranche 1 à ce nombre. C’est là une convention
dont l’axiomatique doit rendre compte. Il y a deux autres conventions
impliquées par l’univocité de l’arithmétique élémentaire qui sont également
escamotées. Et enfin est également escamotée la superconvention qui veut
que toute convention implique la discrimination entre le convenir et le
disconvenir. Cette carence de logiciens qui ne se rendent pas compte qu’ils
sont prisonniers de quatre partis pris anthropomorphes est d’autant plus
coupable que ces conventions ne sontg pas seulement culturelles mais
naturelles puisque l’une d’entre elle est en vigueur en macrophysique, deux
en biophysique et trois en noophysique.
Il faut donc mesurer que la TNN prêche une révolution épistémologique qui
est un véritable sacrilège qui l’expose aux pires anathèmes. C’est pourquoi
il est essentiel de rester discret et critique en s’assurant bien de sa
validité avant d’engager un débat public.

Je joins ci-après pour information ma réponse à Bertrand Lallour qui sera
des nôtres le 3/12, témoin très informé de l’épistémologie moderne.

Vous dites que la TNN est très complexe ; elle n’est pas complexe car elle
ne met en oeuvre au départ que les notions les plus simples de la physique
et de l’arithmétique ; elle va du simple au compliqué comme l’exigeait
Descartes que je réhabilite. Mais elle est certainement très très difficile
à assimiler car elle exige une très onéreuse déprogrammation. Nous sommes
culturellement programmés en logique aristotélicienne des contraires et du
tiers exclus. Cette programmation n’est pas naturelle ; notre bulle
d’Univers est tridimensionnelle ; il faut apprendre à conceptualiser dans un
référentiel cartésien trirectangulaire ; de plus la coordonnée d’espace est
fractale ; nous devons nous familiariser avec une structuration naturelle
gigogne. La physique en est désormais bien convaincue (théorie de la mesure
et de l’invariance de jauge). Tout situer dans un emboîtement de poupées
russes, c’est très exactement la requête de l’épistémologie. Mais en
postulant que cet emboîtement est infini vers le haut et vers le bas,
l’épistémologie moderne s’est enfermée dans des postulats d’incomplétude et
de limitation de la connaissance légitimés par des théorèmes fondés sur
l’univocité de l’arithmétique.
La TNN met à mal ces démonstrations en montrant que l’univocité de
l’arithmétique procède de trois conventions anthropomorphes et culturelles
et d’une métaconvention qui les conditionne toutes les trois : est postulé
le consensus sur le convenir et le disconvenir.
Parce que la TNN convie donc à une véritable révolution conceptuelle, à un
formidable changement de paradigme, ouvrant selon elle la voie à une
nouvelle intelligibilité, elle est pleinement consciente de l’énormité de ce
qu’elle implique, du ridicule qu’elle risque, de la paranoia dont elle est
peut-être victime. Elle s’observe avec humour et défiance et souhaite
avancer sur la pointe des pieds afin de ne pas déclencher des tempêtes
qu’elle n’est pas en mesure d’affronter tant qu’elle n’est encore qu’une
jeune pousse. Voilà l’objectif du Groupe Béna...

Merci de nous aider et à bientôt .


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