Pour une pastorale de l’Espérance

mercredi 20 janvier 1982
par  Xavier SALLANTIN

A l’attention du futur évêque de PERPIGNAN...
POUR UNE PASTORALE DE L’ESPÉRANCE DANS UN MONDE QUI CRAQUE

L’AVENT DE L’ÉGLISE… la formule est de Jean Paul II (Redemptor Hominis)
Elle exprime avec réalisme la situation tant de l’Église mondiale que du diocèse du Roussillon ou de la chrétienté de Cer­dagne réduite à une poignée de fidèles.
En temps d’Avent, c’est l’espérance qui nourrit la foi d’un petit reste tendu dans la préparation active d’un avènement messianique inaugurant une nouvelle ère. L’Église de l’Avent c’est la femme enceinte à l’approche du terme.
Si mystérieuse que soit ce terme annoncé, ne pas confondre cette espérance avec l’espoir d’une reprise pour sortir de la crise que s’efforcent de donner les responsables politiques. Rien de commun entre l’après de l’Avent et l’avent de l’Avent.
Il n’est plus possible de réparer le vieux tissu d’Église avec des pièces neuves. Il faut préparer un tissu entièrement nouveau que gonflera le souffle de l’Esprit.
Les innovations liturgiques, catéchétiques ou théologiques judicieuses, les prises de position courageuses, les œuvres généreuses, les manifestations réconfortantes, les projets pastoraux les plus élaborés, n’ont de valeur que dans la mesure où ils apportent l’espérance à un peuple désemparé et angoissé qui ne sait plus où va ce monde qui craque. Sinon, tous ces efforts méritoires n’ont aucune prise sur la réalité d’églises désertées où , ici du moins, mêmes les enfants ne mettent plus les pieds.
La désaffection des jeunes vis à vis de la pratique religieuse nous semble venir de ce que l’Église n’est pas pour eux une boussole dans un monde déboussolé et déboussolant. Ils la perçoivent comme l’aumônier de prison qui encourage un condamné à mort par de bonnes paroles. Faute de saisir comme douleurs d’enfantement la grande perturbation de cette fin de siècle, l’Église n’a guère plus à dire au monde que les partis ou les gouvernements.
Qu’elle se préoccupe moins de la faim dans le monde, dont s’occupent maintes instances internationales, pour se consacrer au problème combien plus urgent et grave de la soif des hommes auquel l’Église est la seule à pouvoir apporter une réponse.
Une pastorale pour des brebis égarées qui ont soif d’un sens autre que celui de l’abattoir vers lequel elles ont pleinement conscience d’être conduites dans un monde violent et surarmé qui court vers son auto-extermination.

LES PRÉCÉDENTS PROPHÉTIQUES

Se mettre en Avent c’est revivre le temps du Baptiste qui préparait au désert les voies de Jésus qui vient. Comme le montre l’épisode des mages, le judaïsme institutionnel n’attendait pas plus la venue du Messie que la majorité des chrétiens et de leurs pasteurs n’attend aujourd’hui son retour.
La traversée du lac par les apôtres dans la tempête est parabole prophétique pour notre temps d’Avent :
- Le barque de Pierre fait eau de toutes part... apostasie des jeunes à celle des masses...
- Les apôtres s’épuisent à ramer... un clergé vieilli et décimé s’acharne à maintenir à flot des paroisses exsangues...
- le Christ a promis de les rejoindre... mais on l’attend si peu qu’on le prend pour un fantôme... ou une fantasme...
- Pierre manque de se noyer... une leçon qui est un baptême...

"L’Église est dans le tunnel" constatait récemment Mgr Etchegaray. Oui, cet aveu est préférable à la méthode Coué qui prévaut encore trop souvent : ça va s’arranger...
Mais il faudrait affirmer aussi notre certitude que Dieu creuse aussi le tunnel par l’autre bout. La rencontre des emmurés avec leur Sauveur est peut-être imminente.
Les apôtres se croyaient encore au milieu de la mer lorsque Jésus survint :"Ils allaient le prendre dans la barque, mais aussitôt elle toucha terre au lieu où ils se rendaient". Nous touchons peut-être au but. En tout cas notre foi nous commende de croire que nous y toucherons.

UNE STRATÉGIE DE L’AVENT
Au temps des premiers chrétiens, leur charité exemplaire que l’on se plaît si souvent à rappeler, était sous-tendue par l’attente du Jour du Seigneur que l’on préfère censurer comme une illusion naïve.
"Tenez vos reins ceints et vos lampes allumées." Regrouper le troupeau. Ne pas gaspiller son huile à tout venant. La réserver pour alimenter des phares dans la tempête. Rechercher et stimuler les communautés les plus diverses de religieux ou de laïcs qui veillent prient, espèrent et entretiennent le flambeau de la foi.
Se concentrer pour mieux rayonner en direction des pauvres de notre temps, ras de marée de marginaux, d’handicapés, d’esseulés, de désespérés ... La montée de l’irrationalité et de la violence atteste le besoin d’autre chose : une véritable espérance et non des espoirs au rabais et le plus souvent déçus.
Simultanément, ouvrir sur l’Église universelle. Le nouveau tissu d’Église sera planétaire. S’y préparer, par exemple en jumelant le diocèse du Roussillon avec d’autres diocèses de Pologne, du Salvador ou de l’Ouganda... Concrétiser ces jumelages par des liens personnalisés de paroisses à paroisses, de groupements à groupements, de fidèles à fidèles...
Confier à des laïcs l’organisation de ce réseau de correspondance, de résistance, d’espérance...

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Lettre au futur Évêque de Perpignan
2 pages - 20 janvier 1982